Le Martinet noir est un oiseau fabuleux qui ne se pose jamais.
Celui-ci était tombé du nid, je l’ai trouvé un matin sur le trottoir.
Pour le sortir de là, j’ai pris le temps d’aller chercher un petit carton et des gants (et j’ai bien fait).
Il avait l’air très fatigué. Cet oiseau est pourtant un athlète pouvant pousser des pointes de 150km/h en gobant au passage une nuée d’insectes.
En passant le carton dans l’obscurité un insecte ressemblant à une tique est sorti sur l’aile avec une mobilité extraordinaire, j’ai tout de suite pensé à un parasite.
Celui-ci a eu la mauvaise idée de se balader dans le carton : Hop dans la boite !
Après renseignements, il s’agit de la Cratérine du Martinet (Crataerina pallida), ce petit « vampire » d’1cm attaque les petits dans leur nid pour leur sang, il est capable de s’accrocher à n’importe quoi. Même sous le couvercle d’une boîte en plastique, il arrive a avancer…
Ce parasite a une seule paire d’ailes ce qui en fait un diptère. Vu leur taille on comprend bien qu’il ne doit pas s’en servir souvent.
Ce qui est incompréhensible c’est que le Martinet ne s’en débarrasse pas d’un coup de bec. Il doit sans doute y avoir un truc psychologique avec le nid.
J’ai posé le martinet sur une branche dans mon jardin, il est entré dans une haie et je ne l’ai plus revu.
Cette rencontre m’a évoqué immanquablement le poème de l’Albatros :
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
Charles Baudelaire